Article initialement publié dans le magazine Flash, n°40, réservé aux membres. Pour lire l’intégralité du dossier sur la coopération internationale et le droit des archives, connectez-vous ici ou rejoignez-nous et devenez membre.
Chez Europeana, nous encourageons les institutions de gestion du patrimoine culturel à adopter autant que possible le libre accès. Cela permet au patrimoine culturel numérique non seulement d’être vu, mais aussi d’être utilisé, partagé ; contribuant ainsi de manière plus significative à la société, tout en restant conforme à la mission d’intérêt public des institutions de gestion du patrimoine culturel. Outre les avantages très évidents du libre accès pour les chercheurs et les éducateurs, entre autres, ces pratiques ont conduit à de meilleures connexions avec les communautés locales, à des améliorations du contenu, à une augmentation notable de l’accès aux dossiers suite au partage des données en dehors du portail institutionnel. Europeana travaille avec des archives, des bibliothèques, des musées et d’autres institutions du patrimoine culturel. Leurs collections et leurs fonds sont souvent de nature très différente et ne sont pas gérés de la même manière, sans parler de la diversité des approches et des priorités qui existent d’un pays ou d’une région à l’autre. Il appartient à ces derniers de déterminer ce qu’il est le plus pertinent de partager avec le public par l’intermédiaire d’Europeana, et d’examiner les questions éthiques et juridiques qui pourraient s’opposer à ce partage. Cependant, dans l’ensemble, nous considérons que le concept « OpenGLAM a du sens sur le plan commercial », comme l’a déclaré Dafydd Tudur lors d’un récent webinaire.
Comment Europeana contribue t-elle à ces principes ?
Entre autres choses, Europeana établit des normes afin de remplir sa mission et soutenir la transformation numérique du secteur du patrimoine culturel. Grâce notamment à notre modèle de données, nous rationalisons les politiques et les approches très diverses en matière de gestion des données provenant de tous les types d’institutions qui soumettent des données à Europeana, pour pouvoir ensuite fournir des informations claires et structurées par l’intermédiaire d’un portail en ligne unique. Nous utilisons également ces normes pour encourager l’adoption de pratiques ouvertes. Une condition pour partager des données avec Europeana est d’accepter que toutes les métadonnées du site Europeana.eu soient marquées de la mention « Creative Commons Universal Public Domain Dedication » (tous les droits sont abandonnés, dans le monde entier), et que tous les objets numériques se voient attribuer une déclaration de droits pour informer les utilisateurs dans quelle mesure l’objet peut être utilisé. En outre, l’un des critères permettant de considérer les objets numériques comme étant « de qualité supérieure » est leur niveau d’ouverture. Ils seront promus et présentés plus largement sur le site Europeana.eu et au-delà.
Europeana a également clairement indiqué sa position sur la pratique de certaines institutions qui réclament des droits sur la reproduction numérique d’œuvres qui sont du domaine public. Selon Douglas McCarthy et Andrea Wallace, cette pratique « freine la créativité, l’innovation et la production de connaissances autour des œuvres du domaine public gérées par les institutions culturelles ». Les législateurs européens ont également pris position pour aborder cette question par le biais de l’une des dispositions de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, qui est actuellement mise en œuvre par les États membres de l’Union européenne. Cette directive stipule, en gros, que les reproductions numériques d’œuvres d’art visuel du domaine public doivent rester dans le domaine public (sauf si la reproduction est une nouvelle œuvre d’art originale en soi, distincte de l’enregistrement qui est soumis à la numérisation).
Suffit-il de vouloir ouvrir ses fonds?
Les politiques institutionnelles ne sont pas les seuls obstacles à la collecte et à la réutilisation faite par une institution. Les archivistes doivent tenir compte des préoccupations liées à la protection de la vie privée ou de l’image personnelle, ou même des considérations éthiques. Les lois asymétriques sur le droit d’auteur représentent un défi peut-être plus grand encore qui, combinées à un manque de connaissance du droit d’auteur et de politiques institutionnelles adéquates, rendent difficile l’obtention des droits, ou la prise des décisions nécessaires, pour rendre le contenu disponible en ligne. En effet, la manière dont certaines lois sur le droit d’auteur sont conçues ne tient pas compte de la nature des fonds d’archives. Les auteurs y étant sont souvent inconnus, obtenir un droit d’usage est irréaliste. Déterminer que quelque chose est du domaine public peut également être extrêmement compliqué étant donné la longue durée (et sa prorogation) de la protection du droit d’auteur, l’existence de droits voisins ou de droits sui generis et le transfert (automatique ou non) des droits qui peut intervenir dans la vie d’une œuvre. Cela a créé de nombreuses œuvres orphelines et a conduit à ce que l’on appelle le trou noir du XXe siècle. En outre, alors que la recherche, l’éducation, la création ou l’apprentissage tout au long de la vie se font à travers les frontières, les lois sur les droits d’auteur ont tendance à s’arrêter là où s’arrête leur juridiction. Cela pose de nombreux défis dans l’ère numérique, et les professionnels doivent parfois choisir entre le respect des exigences légales ou la conformité à la mission d’intérêt public de l’institution.
Comment surmonter ces défis ?
Les institutions ne peuvent pas surmonter les difficultés soulevées par l’utilisation des contenus au-delà des frontières de manière isolée et ces difficultés ont un impact négatif tant sur les institutions d’archives comme sur les autres domaines du secteur du patrimoine culturel. Ce défi et d’autres ont amené les représentants du secteur des archives, des bibliothèques et des musées à plaider au niveau international en faveur d’exceptions et de limitations actualisées du droit d’auteur.
Les décideurs européens ont également pris des mesures pour résoudre ces problèmes. Au début, la directive sur les œuvres orphelines a introduit une exception au droit d’auteur que tous les États membres devaient adopter, mais sa portée limitée et ses exigences étendues l’ont rendue presque inutilisable. La directive plus récente sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est toutefois plus prometteuse, notamment en ce qui concerne les œuvres qui ne sont pas commercialisées. Pour ce qui est des pratiques institutionnelles, avec de plus en plus de praticiens engagés activement dans des conversations par le biais du mouvement OpenGLAM (vérifiez leurs prises de positions sur Twitter, elles sont géniales !), et avec plus d’institutions montrant l’exemple, il y a moins de doutes sur l’impact positif de ces pratiques, et moins de craintes de perte de contrôle, ou de revenus (qui restent parfois à prouver). Une partie de la mission d’Europeana dans les années à venir, telle qu’elle est décrite dans la stratégie 2020-2025 et conformé-ment à l’orientation déjà prise dans le passé, consistera à « faciliter l’utilisation du patrimoine culturel par les citoyens pour l’éducation, la recherche, la création et les loisirs ». Pour y parvenir, nous continuerons à collaborer et à coopérer, afin que notre travail contribue à « une société ouverte, bien informée et créative ».
Ariadna Matas, Conseillère juridique à Europeana

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