Article initialement publié dans le magazine Flash, n°40, réservé aux membres. Pour lire l’intégralité du dossier sur la coopération internationale et le droit des archives, connectez-vous ici ou rejoignez-nous et devenez membre.
Lisez également le rapport du Groupe d’Experts sur le Patrimoine Archivistique Partagé sur les archives déplacées en suivant ce lien.
Les archives sont inestimables parce qu’elles donnent à une nation la possibilité de comprendre et d’apprécier son passé et son présent, contribuant ainsi au progrès global de la société. Nul n’est besoin de souligner l’importance que revêt la possibilité d’accéder et d’utiliser ces éléments qui vous définissent en tant que personne, communauté, nation. À cet égard, ce court article a pour but d’attirer l’attention de toutes les principautés ayant un patrimoine partagé, des autorités et des acteurs impliqués dans cette affaire, sur le besoin de conclure la question des archives déplacées. À ce sujet, je veux ici reconnaître et applaudir les efforts que le Conseil International des Archives (ICA), en partenariat avec de nombreuses institutions d’archives nationales et d’experts individuels ont mis en œuvre pour résoudre la question du patrimoine partagé, des archives déplacées et/ou immigrées.
Comme cette dernière phrase le suggère, il est clair qu’à cette date, les parties intéressées ne sont pas d’accord sur les termes à utiliser pour se référer aux archives qui sont détenues dans un pays différent que celui où elles ont été créées. En conséquence, pléthore de termes ont toujours été utilisés pour s’adapter aux opinions et aux intérêts de ceux qui les emploient. Cette terminologie inclut sans s’y limiter : archives immigrées, archivées déplacées, patrimoine archivistique partagé, archives litigieuses, archives expatriées, archives saisies, archives en exil, archives réquisitionnées, archives perdues, archives en diaspora, archives confisquées, archives contestées, archives coloniales, archives dans la nature, archives achetées sous la contrainte et archives égarées. L’utilisation systématique de tant de termes différents pour désigner le(s) même(s) objet(s) met en lumière les sentiments et opinions non-dits que différentes personnes, institutions et pays ont à propos de la question de ces archives qui sont conservées dans un pays différent de celui dans lequel elles ont été créées. À cet égard, je souhaite souligner ici qu’il est grand temps que les autorités responsables et tous les acteurs affectés sortent de cette logique de conflit pour véritablement travailler à au moins donner un accès juste et équitable aux archives en question.
Les efforts de l’ICA pour résoudre la question des archives conservées ailleurs que dans leur pays de création ne doivent pas passer inaperçus. Conscient de l’importance de la problématique et du besoin professionnel de proposer une solution à l’amiable à la question délicate des archives déplacées, l’ICA a établi un groupe d’experts sur le patrimoine archivistique partagé (EGSAH) en septembre 2016 au Congrès ICA de Séoul. L’objectif de ce groupe est d’étudier et de conduire des recherches empiriques de terrain sur des questions concernant l’histoire et le patrimoine culturel de plus d’une communauté, pays ou région dont la garde, la propriété et l’accès n’est pas clair ou est litigieuse.
L’ICA a beaucoup soutenu le groupe qui avait pour but d’obtenir une image composite de l’étendue actuelle de cette problématique au niveau global. Ce groupe a aidé et continuera d’aider les parties concernées à comprendre les questions clé et à définir les priorités et dessiner une feuille de route pour la question du « patrimoine partagé ». Les efforts de l’ICA pour voir la résolution de la question des « archives déplacées » n’ont pas commencé en 2016. Pendant des décennies, l’ICA s’est impliqué directement et indirectement pour trouver une conclusion au problème des « archives déplacées ». En prenant l’exemple de la Branche régionale pour l’Afrique orientale et australe du Conseil International des Archives (ESARBICA), l’ICA a commencé à soutenir ses Branches régionales qui voulaient organiser des conférences biennales dans lesquelles priorité était donnée à la question des « archives déplacées ». En 1969, les membres d’ESARBICA, réunis à Nairobi au Kenya, décidèrent de demander le soutien moral des Nations Unies et de ses agences, par l’entremise de l’ICA, et de l’Organisation de l’unité africaine (OAU) pour persuader les gouvernements et institutions nationales possédant des « archives déplacées » d’assurer leur retour ou au moins d’en fournir des photocopies.
En 1974, ESARBICA organisa une autre rencontre à Lusaka, Zambie, et recommanda aux gouvernements concernés par la question de formuler une politique pour le rapatriement des archives déplacées. Depuis lors, la série de conférences biennales qui a suivi n’a cessé de faire passer des résolutions concernant le rapatriement des archives déplacées.
Bien que les efforts de l’ICA pour résoudre la question des « archives déplacées » soient sans le moindre doute visibles et recommandables, je souhaite réitérer qu’il est grand temps que ce problème des archives déplacées arrive à une conclusion et permette aux archivistes du XXIe siècle et aux autres professionnels de la gestion de l’information de concentrer leur énergie sur les technologies émergentes et comment leur adoption peut faire avancer la profession des archives et de la gestion de documents. Les débats, discours et négociations à propos des « archives déplacées » durent depuis maintenant quatre décennies et cette question pourrait bien tourner en rond si des décisions appropriées ne sont pas prises. Je suis heureuse de pouvoir souligner que j’ai eu l’opportunité de participer à la Conférence 2019 de l’ICA à Adélaïde en Australie, où j’ai pu brièvement discuter en personne avec M. Jeff James, Directeur exécutif en chef des Archives nationales du Royaume-Uni (TNA). Comme indiqué dans plusieurs publications, j’ai obtenu confirmation que la question des archives déplacées est empêtrée dans les questions légales et techniques qui ont jusqu’ici empêché le rapatriement des archives déplacées à leur lieu de provenance. Cependant, le directeur exécutif en chef a précisé que les archives nationales (TNA) sont ouvertes au dialogue et ont toujours eu la volonté de discuter et d’apporter leur soutien à ces demandes dans le respect de leur périmètre légal et technique.
Nombreux sont ceux qui lui font confiance et espèrent que l’ICA, comme les autres organisations professionnelles, ne cessera pas de s’impliquer avant que les parties concernées n’arrivent à un accord commun. Ceci étant dit, il reste indispensable que les archivistes mettent de côté leurs différences émotionnelles, politiques et géographiques et puissent se considérer comme une famille internationale pour travailler à l’avancement de la profession et construire un meilleur monde de l’information. Ce qui est particulièrement essentiel dans un monde assailli par les fausses nouvelles, la mésinformation et la désinformation.
Forget Chaterera-Zambuko, Nouvelle Professionnelle de l’ICA (2019-2020), Postdoc- Sorbonne Université à Abu Dhabi, Chargée de recherches Université d’Afrique du Sud