La crise de la COVID-19 a mis en lumière deux vérités incontestables de la vie au 21e siècle : que la technologie s’est rendue indispensable dans nos vies quotidienne et professionnelle et que la confiance, facteur tout aussi essentiel, brille par sa fragilité.
Environ quatre milliards de personnes – soit la moitié de la population mondiale – ont dû s’autoconfiner pour freiner la propagation du fléau. Cela se traduit, pour beaucoup d’entre elles, par un accès purement numérique vers le monde extérieur. Les enseignants donnent cours par téléconférence. Les travailleurs se connectent aux services en ligne de l’État pour déposer leurs demandes d’aide. Les commerces qui ont dû restreindre l’accès à leurs locaux écoulent leurs marchandises grâce à internet. Les familles gardent le contact grâce aux réseaux sociaux, parfois même dans des circonstances tragiques, pour adresser un dernier au revoir à un proche.
Tout cela serait impossible sans les technologies numériques. Mais les traces laissées par ces technologies, à savoir les archives, documents et données ayant valeur de preuve, sont en péril. Cela fait des années que les professionnels de l’archivage et de la gestion documentaire nous mettent en garde sur l’importance d’une gestion efficace des documents de preuve au format numérique. En dépit de tous les attraits de la dématérialisation, de nombreuses organisations peinent à franchir le pas.
Notre dépendance à l’égard des technologies modernes est révélatrice de l’autre vérité exposée par la pandémie actuelle : la fragilité de la confiance. En période de crise, les citoyens ont besoin de pouvoir se fier aux experts. Nous comptons sur l’intégrité de nos chefs d’État, des professionnels de la santé et des chefs d’entreprise, et attendons d’eux qu’ils placent l’intérêt général au-dessus de leurs intérêts personnels. Certains savent se montrer dignes de cette confiance, d’autres pas.
Or, le citoyen ordinaire n’a pas forcément accès aux preuves qui documentent les actions réalisées ou les décisions prises. Avant l’avènement de l’informatique, les documents d’archives pouvaient déjà parfois « disparaître mystérieusement » ou faire l’objet de falsifications, mais, avec les technologies numériques, la dissimulation ou l’utilisation à mauvais escient de documents de preuve sont devenues bien plus faciles. N’importe qui peut, en quelques clics, trafiquer une archive, monter une vidéo de toutes pièces, fausser des données statistiques, voire détruire des preuves capitales.
La population a besoin de pouvoir faire confiance à ses gouvernants. Nous devons donc exiger qu’ils rendent des comptes. Et, pour cela, rien de mieux que de demander des preuves. Si un État annonce qu’il va relancer l’économie en y injectant des milliards, les citoyens doivent être en mesure de consulter les comptes de dépenses. Si un responsable des questions sanitaires cite des statistiques relatives à la COVID-19, les citoyens ont le droit de savoir si les rapports médicaux sur lesquels elles s’appuient sont fiables. Si une entreprise accepte un prêt garanti par l’État, les citoyens doivent pouvoir exiger la preuve que cet argent a été utilisé au profit du personnel et non des actionnaires.
La technologie est certes omniprésente, mais elle n’est pas la panacée. La confiance se mérite et n’est jamais acquise d’avance. Nos dirigeants doivent faire bon usage des technologies, jamais de façon malveillante, et doivent s’assurer que les preuves créées, quelle que soit leur forme, sont authentiques, fiables et exhaustives. Le principe de responsabilité et de confiance repose sur l’existence de preuves.
Ce sont les preuves qui forment le lien entre la technologie et la confiance. L’accès à de telles preuves nous permettra de traverser la pandémie actuelle et de retrouver une certaine normalité, saine et sécurisée.