Sensibilisation à la conservation numérique : l’union fait la force

Sarah Middleton

Sarah Middleton

La conservation numérique fait partie de ces tâches que l’on ne peut mener (efficacement) chacun de son côté. Elle dépend de la coordination d’un ensemble de compétences et de services au sein et à l’extérieur des organisations pour lesquelles nous travaillons. Nous avons donc besoin que le plus grand nombre de personnes possible sache ce qu’est la conservation numérique, connaisse son importance et ses implications et sache ce qu’il faut pour la mettre en œuvre.

C’est pourquoi, en matière de conservation numérique, la promotion et la sensibilisation au sujet sont parmi les tâches les plus capitale.

Même dans les organisations où la conservation numérique est une pratique bien établie, il y a toujours de nouveaux obstacles, des changements de personnel, et les moyens requis pour réaliser efficacement cette tâche sont susceptibles d’évoluer constamment.

En conséquence, plaider pour la conservation numérique est une tâche non seulement essentielle mais aussi perpétuelle.

Dans les premiers temps, pour attirer l’attention sur la question de la conservation numérique, nous avions recours à des stratégies de communication choc, des récits de catastrophes et de malheurs – nous parlions d’âge sombre numérique, de risques, de pertes (c’est parfois encore le cas quand nous en ressentons le besoin). Toutefois, des solutions ont émergé et nous avons pu devenir plus subtils dans nos messages. La sensibilisation à la conservation numérique consiste de plus en plus à identifier des parties prenantes et à les aider à comprendre :
• comment leurs choix rendent les fonds numériques plus ou moins résilients
• les bénéfices qu’ils tireront de la gestion active de documents numériques bien constitués et accessibles ;
• la nécessité d’investir – du temps, de l’argent ou d’autres ressources – et dans quelle mesure cet investissement est nécessaire pour profiter de ces bénéfices.

La capacité à faire passer ces informations est donc apparue comme une compétence nécessaire pour notre communauté.

À la Digital Preservation Coalition (DPC), un de nos objectifs stratégiques est de soutenir l’instauration d’« un climat politique et institutionnel plus réceptif et mieux informé du défi posé par la conservation numérique ; de sensibiliser aux nouvelles possibilités offertes par des ressources numériques résilientes »

La mise à disposition de ressources destinées à soutenir ce message est un des moyens que nous utilisons pour renforcer notre communauté du savoir.

L’an dernier, la DPC et l’UNESCO ont élaboré et publié le Guide pratique de la conservation numérique (Executive Guide on Digital Preservation, en anglais uniquement) spécialement dans cette perspective. Ce guide constitue une ressource pour aider les praticiens de la conservation à communiquer avec des cadres supérieurs, législateurs, responsables du budget, décideurs et responsables politiques avec pour objectif de faire intégrer la valeur de la conservation numérique au cœur de chaque organisation.

Ce guide s’adresse à tout type de structure : institutions pour la conservation de la mémoire et du patrimoine, organisations commerciales, administrations publiques et organisations à but non lucratif. Son élaboration a été soutenue par l’UNESCO, dont chacun des États membres joue un rôle dans la mise en œuvre de la Recommandation concernant la préservation et l’accessibilité du patrimoine documentaire, y compris le patrimoine numérique.

Dans l’optique d’aider le plus grand nombre d’organisations dans leur mission de conservation durable de notre patrimoine numérique, ce guide s’adresse à un public aussi large que possible. Il est cependant reconnu dans ce document que, même dans un même secteur ou un même État, chaque organisation est différente, possède des priorités, des facteurs de risque et des motivations qui lui sont propres. Ce guide reprend par conséquent un ensemble d’affirmations génériques et d’affirmations spécifiques à tel ou tel secteur, que chaque organisation peut choisir et adapter à ses actions de sensibilisation en interne.

Digital Preservation Illustration Fr
La conservation numérique ne fait peut-être pas partie des priorités de votre organisation : montrez-lui comment cette discipline peut soutenir ses motivations premières

À ce propos, nous sommes ravis d’annoncer qu’à l’heure où nous écrivons ce billet de blog, ce Guide pratique de la conservation numérique est en cours de traduction vers l’arabe, l’espagnol et le français.

À l’instar d’autres ressources de la DPC, c’est la communauté du savoir elle-même qui contribue à sa propre évolution. En effet, le Guide pratique de la conservation numérique a été conçu par la communauté et celle-ci en est propriétaire. Les textes qu’il contient sont rédigés par des membres bénévoles de la DPC, qui constituent une partie de cette communauté internationale du savoir experte en conservation numérique.

Ces textes sont également des outils que nous pouvons utiliser pour aider à faire accepter l’idée de conservation numérique au sein des organisations, que ce soit par une stratégie de communication douce vantant ses mérites ou une stratégie de communication choc brandissant les risques encourus. Cela dépend de votre organisation et du public auquel vous vous adressez.

En résumé :

Première étape : Connaître son public
Cela peut sembler plus qu’évident, mais connaître le public auquel on s’adresse est un élément essentiel. C’est important car chaque « destinataire » du message l’interprète de façon différente. Le fait de savoir à qui on s’adresse aide à anticiper la manière dont le message sera interprété. Vous pourrez ainsi viser la bonne interprétation et vous assurer de la compréhension du message.


Deuxième étape : Identifier les préoccupations du public
J’ai expliqué plus haut que chaque « destinataire » interprète le message que vous leur adressez de manière différente. La raison : chacun d’entre nous a ses propres intérêts, préoccupations et priorités. Vous pouvez identifier les engagements/les motivations/la mission de votre organisation en consultant son plan stratégique. Être en possession de ces informations vous aidera à présenter votre message d’une manière attrayante pour les dirigeants et augmentera les chances que celui-ci soit compris correctement
Quelques exemples tirés du Guide pratique de la conservation numérique :

• obligation de rendre des comptes : est-il nécessaire que l’organisation reste transparente quant à ses activités ou fasse la démonstration de ses actions ou de leur ampleur ? Ce cas de figure est fréquent lorsque des fonds publics sont en jeu ;
• mémoire des entreprises/mémoire culturelle : l’organisation est peut-être contrainte d’accepter de conserver des documents numériques dans le cadre d’un mandat national ou politique. Le fait qu’elle soit perçue comme étant capable d’honorer ce mandat rejaillira sur son image et sa crédibilité ;
• réputation : cette question ne concerne pas uniquement les institutions chargées de la conservation de la mémoire ; je suis certaine que toutes les organisations veulent soigner leur réputation dans leur domaine ou leur segment de marché. Pour les organismes publics, une réputation ternie peut avoir des répercussions sur les financements et, pour les entreprises, il peut en découler une perte de confiance de la part des consommateurs, une perte de parts de marché, une diminution des recettes.

Troisième étape : Adapter son message
Une fois que vous avez identifié les motivations d’une organisation ou le sujet de préoccupation d’un public cible, ces éléments peuvent servir de base à un message fort portant sur la conservation numérique et destiné à répondre à cette préoccupation.

En fait, on ne parle plus alors de la conservation numérique en elle-même, mais des bénéfices associés à cette pratique. On s’exprime dans la langue de son public ; on parle de comptes à rendre, de coûts et de risques, et des moyens de résoudre ces questions grâce à la conservation numérique.

Quatrième étape : Former une armée de défenseurs de la cause
L’objectif ultime : gagner des défenseurs à la cause de la conservation numérique. Il existe des gens au sein de nos organisations respectives qui parleront favorablement de la conservation numérique à notre place, avec leurs propres mots. Plus ils sont nombreux, mieux c’est, bien sûr ! Plus il y a de gens convaincus du bien-fondé de la conservation numérique, plus il y a de chances que le message se fraie un chemin.

L’union fait la force, et cela n’est pas vrai que pour la conservation numérique ; avoir à disposition une armée de défenseurs de la cause permet presque à coup sûr de répartir cette tâche essentielle et perpétuelle, et multiplie les chances de réussite.

Sarah Middleton, Responsable de la sensibilisation et de la mobilisation communautaire, Digital Preservation Coalition
@Sarah_DPC