Concevoir les archives au 21e siècle

Pourquoi la pratique archivistique est-elle toujours perçue comme une profession reposant sur des supports analogiques ? Cela s’explique peut-être en partie par le fait que la longue histoire de l’archivage (dont les racines remontent à la Mésopotamie en 3500 av. J.-C.) a tendance à être associée à des pratiques anachroniques liées aux formats physiques, aux dossiers papier, à des processus en fin de cycle de vie et à des conventions strictes. En réalité, la profession archivistique et à ses pratiques recèlent de nombreuses caractéristiques tout à fait pertinentes pour répondre à la transformation numérique de la société et de ses façons de travailler : notre capacité à gérer de grands volumes de données dans la durée, nos connaissances contextuelles qui contribuent à notre compréhension du processus informationnel et, dans le cas précis du système de séries australien, un mécanisme interne pour assurer la gestion et la documentation des environnements en mutation. Outre les défis à relever, il existe de réelles perspectives pour la profession archivistique au 21e siècle.

Pour concevoir les archives du 21e siècle, il est impératif de savoir naviguer dans un environnement en rapide évolution. Des cadres législatifs obsolètes et des ressources limitées semblent nous empêcher d’avancer dans un monde marqué par les réseaux sociaux, les supports multiples, une gestion de données sur la base de systèmes et une création décentralisée des archives. Ces nouveaux environnements mettent à rude épreuve les méthodes traditionnelles d’évaluation, de classement, de description et d’accès. Pourtant, le nombre d’utilisateurs d’archives n’a jamais été aussi élevé ; l’accès aux documents grâce à la numérisation a favorisé une croissance exponentielle de la portée et de l’ampleur de l’engagement archivistique. La conception d’archives axées sur l’utilisateur revêt aujourd’hui une plus grande importance que jamais et constitue l’un des principaux thèmes de la conférence conjointe ASA-ICA-ARANZ-PARBICA de l’année en cours.

Nous devons également développer les compétences archivistiques de demain. Nos pratiques pédagogiques doivent s’étendre à la création de compétences en archivage numérique ; la flexibilité et la réactivité de nos pratiques professionnelles doivent être renforcées ; et nous devons nous-mêmes reconnaître la valeur de notre mission. Plus important encore, nous devrions être ouverts au changement et à la collaboration tout en faisant clairement savoir ce que nous, en tant que professionnels de l’archivage et de la gestion documentaire, pouvons apporter à nos environnements de travail, aux professions connexes et au grand public.

Incontestablement, la pratique archivistique se doit d’avoir recours aux nouvelles technologies afin d’assurer la création et la gestion comme des archives de documents à valeur pérenne. Des méthodes novatrices sont nécessaires pour maintenir dans la durée l’accessibilité et la réutilisabilité des documents d’archives, ce qui va bien au-delà du simple fait de fixer la numérisation de masse comme objectif primordial. Au 21e siècle, l’accès à l’information et les méthodes d’archivage pourront évoluer de manière significative, mais les archives continueront à témoigner de ce que nous faisons, de ce que l’on nous fait et de ce que nous sommes capables de faire. Ne confondons pas la nécessité de redynamiser nos processus avec nos pratiques professionnelles en tant que telles.

Par Julia Mant Présidente, Australian Society of Archivists